JEAN-MICHEL CLAJOT/REPORTERS

           

Béatrice Ardisson

  • 38 ans

  • Femme de l'animateur télé Thierry Ardisson et mère de trois enfants.

  • Illustratrice sonore pour l'émission

« Tout le monde en parle » sur France 2.

  • Auteure des compilations baptisées « La musique de Paris Dernière », volumes 1 et 2 (Bang !).

(suite de la page 51)

n’appartiennent plus à leur géniteur. Elles voyagent. Elles font partie de la mémoire collective.
D.H. : Le plus grand compliment que l’on puisse faire à un chanteur, c’est de propager sa chanson dans la rue. Il se lève un matin et les ouvriers qui travaillent sur sa charpente sont en train de siffler sa chanson.
B.A. : C’est génial.
D.H. : Pour moi, c’est un objectif.
B.A. : C’est le plus bel hommage. Moi, je considère ce que je fais comme un jeu. L’humour est quand même important. Je cherche aussi la pépite rare. J’ai une espèce de folie douce qui consiste à vouloir retrouver des reprises déjantées, un peu barges...
D.H. : Il faut toujours prendre du recul. En musique comme ailleurs, il est toujours nécessaire d’avoir un autre point de vue.
B.A. : Tout à fait ! C’est ce que j’ai appris en dessin. J’avais un prof génial qui disait : « Il faut oublier ce qu’on dessine et voir d’abord les volumes. Quand on dessine une pomme, il faut oublier que c’est une pomme, sinon on n’y arrivera pas. Il faut d’abord penser à la forme. » C’est ça, la création ; réussir à voir les choses sous différents points de vue. Et c’est ce que j’essaie de faire avec mes choix musicaux. Je refais de la musique. D’ailleurs, l’ordre des morceaux est très important...
D.H. : Vous faites de la composition en quelque sorte.
B.A. : Avec la musique des autres ! En vérité, je fais de la récupération, comme les gens qui vont aux puces, qui achètent un truc un peu ancien et qui le remettent en forme. Un peu comme un ferronnier d’une matière existante pour la remettre                                                                 

au goût du jour. Et c’est pour cette raison que je déteste le mot compilation pour désigner mes disques. Je préfère le mot collection. Cela s’apparente beaucoup plus à un bouquin. Il y a un livret, un graphisme étudié...
D.H. : Ce que vous faites me plaît. Je pense que les codes musicaux sont faits pour être brisés.
B.A. : C’est tout mon travail !
D.H. : Je vais sortir une connerie à deux balles, mais la vie c’est du mixage. Vous avez différentes pistes, vous mettez un peu plus de ceci, un peu moins de cela...
B.A. : C’est comme la cuisine ! Mais les gens qui sont capables d’inventer leur vie ou de la rêver sont assez rares en fait. Parce que c’est souvent plus simple de se fondre dans une case...
D.H. : Moi, les gens me mettent dans le tiroir chanteur. Je trouve ça triste parce que je suis un conteur.
B.A. : Vous écrivez tout ?
D.H. : Oui. Mais je ne suis pas un chanteur à voix.
B.A. : Il y en a qui ont de la voix et qui n’ont pas de textes. Je préfère l’inverse.
D.H. : Ce qui est rigolo, c’est que je suis à la fois considéré comme un alternatif par les punks qui viennent me voir et comme un chanteur à textes par les « Madame Prof de français » qui aiment bien ce que j’écris.
B.A. : C’est très bien. Vive le mélange ! On est dans un monde de fusion. On a cette chance-là. Il faut en profiter. Moi aussi, on me met volontiers dans des cases. On me met dans la case « femme de », dans la case parisienne, dans la case chic, branchée, lounge, alors qu’il m’arrive aussi de faire des programmations de rock trash. Je ne vois pas pourquoi je me cantonnerais à un seul style.

D.H. : Mais êtes-vous musicienne ?
B.A. : J’ai toujours aimé la musique. J’ai appris le piano avec ma grand-tante qui avait été Premier Prix du Conservatoire, mais j’ai été obligée d’arrêter pour la simple raison que j’avais déménagé et que je n’avais plus d’instrument. Aujourd’hui, tous mes enfants jouent au moins deux instruments et, quant à moi, j’ai trouvé une nouvelle façon de travailler la musique. Je me suis inventé un métier qui me permette d’avoir accès à des tonnes de musique ; illustrateur sonore. C’est une profession qui était bien représentée dans les années 1950, en télévision en tout cas, et qui a ensuite disparu par le simple fait que chacun venait finalement avec ses disques en montage. Parce que justement la musique appartient à tout le monde ! Mais bon, ce n’est pas vraiment une carrière que j’avais planifiée...
D.H. : Ce qui m’intéresse dans votre histoire, c’est le parcours « en dehors ». Moi, au départ, j’ai fait du théâtre itinérant, avec un grand chapiteau et des roulottes. D’ailleurs, j’ignore si vous savez, mais j’habite toujours dans une roulotte...
B.A. : C’est drôle, ça ! Moi j’habite dans ma voiture (rires) ! Je suis toujours entre Paris et la Normandie, et donc je suis tout le temps dans ma voiture. Et elle bouge, votre roulotte ?
D.H. : Non, mais on peut la bouger. Vous connaissez la caravane-stop ?
B.A. : Non !
D.H. : Vous vous mettez sur le bord d’une route avec une petite caravane et vous faites du stop dans l’espoir de pouvoir vous accrocher à une voiture...

(suite en page 54)

52    Weekend Le Vif/L'Express du 12 avril 2002

   

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