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politiques réalisés à la télé, d’imposer à Michel Rocard des questions aussi fondamentales que « Sucer, c’est tromper » ?
   « Mais pourquoi pas ? Je ne vois pas en quoi c’est incompatible. Est-ce parce que ça révèle une autre facette de sa personnalité, que ça dérange ? Il y a toujours trois temps dans mon émission, avec mes invités. Celui de la promo pure, celle où je leur fais agiter les mains : comme ça, c’est clair, on casse l’hypocrisie télé où personne n’assume son rôle de vendeur. Puis il y a la phase biographique, où je tente de cerner le parcours de la personne, généralement en glanant des éléments de son enfance. Pour finir, il y a le moment où l’invité, enfin, se retrouve sans filet, juste tel qu’il est. Quant au sexe, je ne vois pas pourquoi on n’en parlerait pas, comme les Français le font dans toutes les autres circonstances de la vie. C’est quelque chose de joyeux et de central qui concerne tout le monde. Mais, à la télé, c’est toujours abordé, par Delarue ou Dumas, sous l’angle du problème et de la misère. »
   Thierry Ardisson est parfois suspecté d’être le Monsieur Déloyal d’une partie truquée : Tout le monde en parle, dont le tournage peut durer jusqu’à six heures, serait, aux yeux de certains, dans sa version diffusée, comme un combat de boxe où le protagoniste principal pourrait choisir les coups qu’il donne ou qu’il reçoit. Seulement Michel Rocard ou François Bayrou – qui comptent parmi ceux pour lesquels on s’est le plus offusqué – n’ont pas matière à se plaindre. Tandis que l’ancien Premier ministre regrette juste                                    

 

qu’il n’y ait « que dans une telle émission qu’on puisse parler bien et faire passer ses idées à un public qu’on ne touche jamais », le second, qui a choisi de passer chez Ardisson plutôt que chez Fogiel parce que « le premier laisse s’exprimer l’invité et connaît ses sujets », s’avoue même ravi et épaté par la qualité du montage final. « Hormis Baffie, il existe peu d’as de la repartie, poursuit l’animateur. Je pense vraiment que les gens sont plutôt aidés par le montage. Quand Alain Chabat met trois minutes pour trouver une réponse, je ne crois pas que ce soit du silence intéressant. »
   C’est plutôt du côté des invitées qu’on trouve à redire, que l’élégance de l’animateur est mise en cause. Car Ardisson a bien du mal, face aux femmes, à ne pas se métamorphoser en vautour people, en investigateur misogyne. A elles les questions trop intimes, les révélations sur les petits amis, les ruptures et les secrets d’alcôve. A force de fricoter à l’antenne avec des bimbos ou des porno stars, Ardisson ne voit plus que des potiches un peu godiches, qui servent juste à pimenter à peu de frais les dîners en ville. Dans Tout le monde en parle, une fille, pour peu qu’elle ne soit pas une sommité dans son domaine, est vite traitée en demi-mondaine.  

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p 87    Télérama n° 2721 – 6 mars 2002

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