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Ce qui explique le refus d’une Catherine Deneuve de s’y compromettre ou la colère de la chanteuse Helena, poussée à parler de son actuel fiancé en dépit d’un accord préalable de ne pas aborder le sujet. « Ça doit être mon côté macho méridional qui ressort », avoue-t-il.
   L’émission de Thierry Ardisson est brillante, commente Orlando, le producteur roué d’une autre chanteuse, Hélène Ségara. Le problème, c’est qu’il ne tient pas compte de l’état psychologique de l’invité le jour du tournage. Et si l’on se présente en état de faiblesse, c’est impitoyable. Parce qu’on essaie de donner le change et on s’enfonce irrémédiablement. »
   
Depuis son come-back câblé et discret en 1997, il est entré, même s’il n’est pas à une contradiction près, dans sa phase de réconciliation. Peut-être parce que, au-delà de sa fortune, il a enfin obtenu ce qui lui manquait : la reconnaissance par la filiation forcée de quelques pères vénérés. Autrefois, après avoir été embrassé par Daniel Filipacchi (Ardisson a été directeur adjoint des rédactions Hachette-Filipacchi en 1984-1985), il repêchait un Yves Mourousi alors sur la touche (dans Télé Zèbre). Aujourd’hui, il se fait adouber devant les caméras par Philippe Bouvard (Ça s’en va et ça revient) et revendique l’héritage de Pierre Dumayet. « Je pensais que j’étais infâme de poser des questions futiles ou de cul à des sommités. Et je découvre que Dumayet faisait déjà ça il y a des dizaines d’années. Il faisait tirer dans un chapeau des papiers où était inscrit : "Cela vous gêne-t-il que les fesses et les seins ne soient pas du même côté ?" Il faisait ça parce que c’était le seul moment où, enfin, il avait en face de lui des individus qui ne lui servaient plus un discours préparé. Je ne fais rien d’autre avec mes questions un peu salées. »
Au-delà de ses questions vicelardes, de son
          

Dans Ça s'en va et ça revient, Thierry Ardisson joue les bateleurs gentillet. Une erreur de casting, admet-il.

comportement leste, de son armada de snipers comiques plus ou moins lourdingues, de son abus de l’auto-célébration, Thierry Ardisson, n’en déplaise à ses détracteurs, oeuvre à rehausser le niveau intellectuel des émissions populaires. « Quand BHL, André Glucksman ou Raymond Forni viennent s’exprimer à Tout le monde en parle, on les écoute, on ne les raille pas. Et leur discours touche un public autrement plus large que chez un Guillaume Durand ou un Franz-Olivier Giesbert. Quant à Rive droite, rive Gauche, c’est insensé, le travail que l’on fait. On est au bout du rouleau, d’ailleurs. Et le service public qui se demande toujours ce qu’il devrait faire ! Mais ce serait à lui, par vocation, d’assurer un tel programme ! Seulement proposez à Marc Tessier, le président de France 2-France 3, des projets culturels, ambitieux parce que désireux de toucher un grand public, sur le pop art ou sur Victor Hugo, et il n’y a jamais ni case ni argent. Tout ce qu’il veut, à 20h30, c’est Ça s’en va et ça revient, avec Philippe Bouvard ou les Inconnus et des serveurs téléphoniques payants, histoire de racketter un peu le public. »
   Thierry Ardisson ne présentera plus Ça s’en va et ça revient l’an prochain. Il y a eu, selon lui, erreur de casting. Il ne se sent pas à l’aise dans le rôle du bateleur gentillet, forcément faux-cul. Une leçon de plus, en somme. « Je suis enfin arrivé au point où je sais ce que je veux faire et où j’ai les moyens de l’imposer : un grand show de qualité où, dans l’idéal, des girls somptueuses entraîneraient les télé-spectateurs à écouter la plus sérieuse des rencontres avec André Glucksman. Parce que je persiste à croire qu’il faut apporter la culture aux gens en douceur et dans la joie plutôt que dans l’austérité et l’aridité. Je ne rêve pas d’une télé populaire mais d’une télé pour le peuple. »

"Je rêve d'un grand show de qualité où des girls somptueuses entraîneraient les téléspectateurs à écouter Glucksman."


A voir
Tout le monde en parle, le samedi vers 23.00, France 2. Rive droite, rive gauche, du lundi au vendredi, 18.50, Paris Première.
 

   De son propre aveu, Thierry Ardisson se sent « mal dans le monde réel ». Même chez lui, parmi les siens, il a l’impression, admet-il, d’être dans la peau d’un invité. C’est pour ça qu’il passe le plus clair de son temps à faire de la télévision. Cette télévision qui demeure avant tout un univers mi-virtuel, mi-parallèle, reflet déformé ou exacerbé de la vie. Et forcément un peu, beaucoup inhumain.
   « Vous me dites que ce que je prétends être le plus important dans ma vie, ce que je place au-dessus de tout, ma famille et l’écriture, est ce dont je me tiens le plus éloigné. Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? Puisque c’est vrai. Et je reste sans voix. »

Hugo Cassavetti

p 88    Télérama n° 2721 – 6 mars 2002

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